En Beauté

Je ne regarde pas la télévision. Je regarde des DVD, des séries, parfois du sport, mais la télévision jamais. Pour des raisons qui n’intéressent absolument personne, il se trouve que ce samedi, vers 22h, j’ai allumé la télévision. Sur la une, il y avait une espèce de télé-crochet, genre Star Academy, avec des gens connus qui dansaient. Il y avait M.Pokora, qui est un chanteur, donc. David Ginola, l’ex-footballeur. André Manoukian, le pianiste de jazz, qui fait de la télévision et que Libération adore. Marthe Mercadier, la comédienne de boulevard. Rossy de Palma, la comédienne d’Almodovar. Jean-Marie Bigard, le comique – enfin, prétendument. Adriana Karembeu, qui a de très grandes jambes, et qui est l’épouse de Christian Karembeu, qui était vraiment très fort quand il jouait à Nantes. Et Sofia Essaïdi, qui est très très jolie, et qui a interprété Cléopâtre, vraiment horrible spectacle, que j’ai vu pour des raisons qui, là encore, n’intéressent absolument personne, même moi ça m’épuise. Toute la dramaturgie de l’émission était basée sur le fait que, pendant les répétitions, Sofia Essaïdi s’était blessée. En aparté, je tiens quand même à signaler qu’outre leur maigre ressemblance patronymique, il ne faut pas confondre Sofia Essaïdi, et Alice Belaïdi, gigantesque comédienne de théâtre (pas par le taille) que je surkiffe, et que vous avez peut-être vue dans Confidences à Allah, la pièce mise en scène par Gérard Gélas, que je surkiffe aussi.

Mais je sens que ce papier part en vrille donc il faut que je me regroupe.

Sofia Essaïdi, disais-je. Elle est très belle, enfin moi je trouve, mais elle s’est blessée pendant les répétitions, dis-donc. Oh mon Dieu! Donc allait-elle tenir le coup et pouvoir danser en direct ? Appelez le 16-13-13, et votez (0,52 centimes d’euros la minute). Et puis voilà qu’elle danse, ça va, on s’en fout mais ça va, personne ne meurt (0,52 centimes d’euros la minute dans ton cul, ai-je envie de dire).

Ensuite il y a le jury qui juge, dont Alessandra Martines, ex-comédienne de Claude Lelouch, ex-danseuse, dont je n’ai pas envie de dire du mal, d’autant que si l’on veut vraiment parler des ravages qu’ont fait la chirurgie esthétique et le botox dans le domaine des femmes en général et des comédiennes en particulier, il faudrait y consacrer un peu plus que quelques lignes dans une chronique. Le jury, donc. Alessandra Martines, et deux tafioles insupportables, dont un québécois, chorégraphe soit-disant, à transformer n’importe quel lecteur de Têtu en homophobe instantané – donc imaginez pour le public de TF1 de base, par exemple ma mère. Ça parle avec les mains, ça dit n’importe quoi mais fort, c’est à donner des baffes.

Sur la deux il y a Nagui. Une émission dont on m’a parlé mais que je n’ai jamais vue. Ça s’appelle On n’oublie pas les paroles. Ça s’inscrit sur ma télévision quand je zappe, c’est pour ça que j’en connais le titre, j’ai une très bonne télévision. Je vois Arnaud Gidoin et Elodie Frégé en train de chanter une chanson. J’ai croisé Arnaud Gidoin il y a quelques années, c’était au théâtre La Luna, pendant le Festival d’Avignon. Je me souviens qu’il venait en vélo et qu’il était très sympathique. Elodie Frégé, je ne la connais pas, mais je la trouve très belle aussi – comme quoi je peux aimer et les blondes et les brunes, même si je suis plutôt difficile. Là elle chante une chanson, comme du karaoké, ce n’est pas très valorisant pour elle ; lui est au bord des larmes, il a les yeux qui brillent, il s’est coupé les cheveux et en fait un peu trop. À un moment, la texte de la chanson s’arrête de défiler, et je comprends l’enjeu : s’ils trouvent les bonnes paroles manquantes, ils font gagner 100.000 euros à une association – AIDES en l’occurrence. C’est pour ça qu’ils ont l’air si investis par leur mission, qui est somme toute très respectable : aller faire le guignol dans le poste pour aider à guérir du SIDA. Seulement, foncièrement, ça me dégoûte. Pas qu’ils fassent les guignols, non. Mais qu’une télé publique soit obligée de faire ça, récolter des fonds pour colmater les brèches, faire le travail de l’État, qui, dans une République, ne devrait laisser à nul particulier, à nulle association, le soin d’oeuvrer pour la Santé Publique. Je me souviens, quand j’ai écrit le Coluche, tout ce que j’avais appris sur les Restos du Cœur et le peu de fonds octroyés. Dégoûtant, oui. Et tant mieux qu’Antoine ne s’en soit pas servi pour le film, qu’il ait choisi de se consacrer à l’élection présidentielle. Je trouve ça vraiment honteux, en fait, que des télés fassent de l’audience en prétendant récolter de l’argent pour des associations, des télés publiques de surcroit. Mais on pourrait aussi ne rien faire, me rétorqueraient certains. Et ils auraient raison. C’est évidemment bien de faire. Mais ce n’en est pas moins dégoûtant. Alors je ne regarde plus, j’éteins. Il y a des jolies filles dans le poste, mais j’éteins.

J’aurai regardé la télévision ce soir. Un bon quart d’heure au moins. J’ai la saison 3 de Mad Men à finir, j’ai l’intégrale de Bergman que m’ont offerts Kéthévane, Valentine et Alex. J’ai plein de beaux disques à écouter, j’ai plein de beaux livres à lire. Je pense que je ne vais pas re-regarder la télévision de si tôt. C’était une bonne leçon. D’abord mettre un disque dans le lecteur de DVD, ensuite, seulement, allumer la télévision. Et puis surtout, surtout, se débrouiller pour ne plus être seul chez soi un samedi soir à 22h. Mais quelle idée, aussi.

ADDENDUM/ Une malade mentale m’a forcé tout à l’heure à entrer dans un magasin Sephora pour voir s’ils ne vendaient pas de la tisane. Je vous confirme donc que non.