L’Histoire de la Peinture

J’aime beaucoup cette phrase de Picasso : “Quand je n’ai pas de bleu, je mets du rouge.”

Il est beau, ce mot, ROUGE, rouge Fromanger ou bleu Klein. Deux belles couleurs, et deux grands peintres, deux à-plats qui ont fait la France.

Je ne connais pas la vie d’Yves Klein, je sais celle de Gérard Fromanger. Je connais ses divers engagements, le bel homme aux cheveux blancs qu’il est. Ses amitiés avec Prévert, avec Godard et Clémenti. J’ai suivi ses travaux, ses essais, ses périodes. Je suis admiratif de son œuvre, comme celle de nombre de ses aînés. Je n’y connais pas grand-chose en peinture, mais je suis le travail de certains, et cela souvent me bouleverse, sans évidemment tout comprendre, sans être capable d’expliquer.

Je peins comme un enfant de quatre ans qui peint mal. Je ne suis pas doué pour ça. Mais je dessine énormément, pour des décors ou pour des plans, des découpages. Les gens qui travaillent avec moi – disons après quelques années – finissent par comprendre mes dessins.

Quand je n’ai pas de bleu, je mets du rouge.

C’est un génie qui a dit ça, un des plus grands artistes qui ait jamais vécu, et j’entends tous les autres, les moins grands, les petits, leurs théories et leurs salades…

Quand je n’ai pas de bleu, je mets du rouge.

Il répondait à une question, le secret de son travail. Ce n’était pas plus compliqué que ça – même si on peut imaginer qu’il faisait un bon mot, que c’était, oui, un petit peu plus compliqué que ça.

Elles sont belles les citations de Picasso. Elles semblent presque d’un autre temps, très ancien, un temps où l’on pouvait dire des choses comme :

J’ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant.

Je ne peins pas ce que je vois, je peins ce que je pense.

L’art lave nos âmes de la poussière du quotidien.

Qui voit la figure humaine correctement ? Le photographe, le miroir, ou le peintre ?

Fromanger c’est autre chose, très beau aussi, très différent. Et Klein c’est bleu, c’est une couleur, c’est un homme qui est devenu une couleur, et cette couleur est tellement belle, tellement forte, entêtante, qu’on ne chercherait même pas à savoir autre chose. Je l’ai découvert quand nous jouions La Nuit du thermomètre au CDN de Nice. Juste en face du théâtre, il y a le Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain, Klein est niçois, son travail y est exposé. Un après-midi, avant une représentation, je suis allé y faire un tour, c’est là que j’ai découvert son travail, c’est là que j’ai découvert son bleu.

C’est quand même une postérité folle, ça, non ? Devenir une couleur.

Toutes les choses importantes sont bleues.

J’avais écrit ça dans ce blog, le titre d’une chronique.

Je ne suis pas né dans la peinture, dans les Arts. Je n’ai pas eu cette éducation. J’apprends tout seul, au fil des ans, et il faut beaucoup de temps, que je n’ai pas, et de patience, que je n’ai pas.

Mon amie Ara Starck, elle, est née dedans. C’est une très grande artiste. Nous avons un projet de petit livre ensemble, avec un joli titre : L’oiseau porte l’arbre. 32 petits poèmes / 32 petits dessins – qu’elle finira un jour.

C’est ce qui est beau avec la poésie, ce qui est beau avec la peinture, c’est que le temps ne compte pas tellement, c’est que la vie ne compte pas tellement. Peu importe l’année, le pays, le régime, l’âge, le sexe – mais Fromanger ne dirait pas ça, et sans doute Picasso non plus. Cela vous transporte, vous agrandit, au-delà des temps et des âges.

Je viens des mots et des notes, je viens de la langue et de l’oreille, je ne viens pas des yeux. Mais je travaille. Je fais de mon mieux. Je continue à apprendre. Avec de grands créateurs de lumières, de grands chefs-opérateurs qui m’épaulent.

Je ne ferai jamais la lumière de mes films, même si j’ai des idées, assez précises, je n’en suis pas capable. Quand Stéphane Baquet n’est pas là au théâtre cela m’arrive, disons m’est arrivé, le résultat n’était pas mal, c’était très amusant à faire, mais ce n’est pas mon métier non plus, et je préfère quand il est là.

J’ai passé quelques jours à Rome, il y a deux ans, et nous sommes allés au Musée, la Galerie Nationale d’Art Moderne. C’est un endroit superbe, immense, rempli de Cézanne, de Degas, de Kandinsky, de Van Gogh, de Courbet, de Modigliani. Avec des sculptures magnifiques, aussi, dont une qui m’a bouleversé – que je vous montrerais bien, même si ce serait quand même très con : c’est un papier sur la “peinture” ! Allez-y, vous verrez, elle est dans la toute dernière pièce, tout au fond à droite en rentrant, vous ne pourrez pas la rater. C’est un couple, dans un lit, ils tiennent leurs mains serrées, elle est d’Albert Bartholomé (1848-1928), “Congiunti al di là” elle s’appelle.

Je ne suis pas retourné voir des tableaux ni des sculptures depuis.

Je ne suis pas retourné à Rome.

Il faut toujours retourner à Rome.

ADDENDUM/ Fin de cette petite parenthèse quat’z’arts. Je vous souhaite de chanter, de danser et de peindre tout l’été. J’espère que vous m’enverrez des photos. Et prenez bien soin de vous et de ceux que vous aimez.

© Mourir d’Aimer, Marivaux, Boulevard des Italiens – de Gérard Fromanger (1971)


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3 commentaires

  1. LMA dit :

    Je préfère Magritte et Dali car leurs peintures nous arrachent la tête!!
    Et ils mêlent l’humour noir à la tragédie.
    My 2cents.
    ps: Diasto, pourrions nous discuter (email ci-dessus)? J’ai un projet en tête-mais je ne veux pas laisser mon numéro sur ce site. S’il y a un bureau où te joindre tu peux me le communiquer. Merci d’av.

    Lilian
    https://www.artmajeur.com/fr/artist/lm-arnal/portfolio
    https://www.amazon.com/MetrOmpolis-Empire-Greed-L-M-Arnal/dp/1546502696

  2. Valérie Ollier dit :

    Ce n’est pas de la peinture au sens propre mais au figuré ; cette phrase un peu paradoxale de Picasso me fait penser à celle de Mauriac: « Je n’observe pas , je ne décris pas ; je retrouve. » Même formule lapidaire; des mots simples pour un vrai credo profond de créateur.

  3. Xiep dit :

    Picasso ? Un barbouilleur haineux et sans talent. Au contraire de Dali qui oui en dégoulinait.

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