Première
C’est un joli mot, première. Pendant longtemps, quand on me disait première, je pensais à une classe, puis à un magazine, depuis dix ans cela ne m’évoque plus que le théâtre – soir de première, dans huit jours donc.
Ma première première c’était à Nice, un soir de décembre 2001, j’avais un bonnet sur la tête et un très très long manteau noir. Le bonnet était censé porter bonheur, le manteau j’avais décidé de ne pas le retirer, des fois que cela se passe mal, que je puisse m’enfuir vite, prendre le dernier train de nuit.
Cela ne s’est pas mal passé.
J’ai gardé le bonnet comme grigri quelques années encore, ce qui était ridicule, surtout à Avignon en juillet. Puis le bonnet est parti, plus de grigris. Les premières se sont enchainées. Première à la création, première à la reprise, première en tournée. Pour chaque pièce de théâtre, quand cela se passe bien, il y a au moins trois premières. Lors, forcément, on s’habitue, on transpire moins, les cadeaux de première n’amusent plus, on ne sait plus quoi trouver : “Un paquet de clopes c’est bien. Je suis sûr que ça leur fera plaisir.”
Je n’ai pas le goût effréné des premières fois, cette espèce de nostalgie sotte, goût de l’innocence ou je ne sais quoi, tout étant mieux quand on ne sait rien. Je n’y crois pas. Je trouve au contraire que tout est plus fort quand on sait, quand on refait, quand on fait mieux, qu’on est meilleur.
Je me souviens de cette première première, oui, avec une vraie tendresse. Je me souviens de tout, ce qui s’est passé avant, pendant, après, les images sont extrêmement claires. Pourtant j’ai oublié les autres. Les nombreuses autres. Parfois, pourtant, je me dis que j’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans de théâtre. Je n’en ai que dix, je n’en suis qu’au début. Je commence à peine.
C’est tellement agréable, c’est un si joli métier. J’en connais les travers, les défauts, la bêtise, la violence, je l’apprécie encore plus en sachant. Retour aux fondamentaux.
Un des fondamentaux de ce métier, par exemple, est de dire que la seconde est nulle. C’est un axiome de base, une loi irrévocable, la première il y a une magie, la seconde est nulle. Si vous saviez comme ça m’énerve… Si vous saviez comme je me bats – souvent en vain – contre cette loi. Aussi, depuis, je ne compte plus comme les autres.
La première de ma pièce, pour moi, a déjà eu lieu. C’était vendredi 30 décembre, en fin d’après-midi, au Ciné 13 Théâtre, il n’y avait que moi dans la salle. Il n’y avait pas de lumière, pas de son, pas de musique, pas de costumes, ce n’était pas les bonnes chaises, la bonne table, mais c’était les vrais comédiens, le vrai texte, le vrai jeu. Ma pièce. Si cela tient comme ça, me suis-je dit, moi cela m’ira bien, et même bien mieux que bien. Je serai plus que fier.
En haut de ma feuille de notes il y avait écrit Une Scène #1.
La soir de la première il y aura écrit Une Scène #14, voire Une Scène #15, et voilà.
C’est parti.
ADDENDUM/ Pour information je ne vais pas saluer aux premières, jamais. Je ne salue qu’aux dernières – et surtout, surtout, j’y fais l’annonce portables. Je fais ça trop trop bien. Bonne année à tous, camarades. De l’amour, de l’amour, de l’amour.
super, super… je viens très bientôt, et puis je regardais justement une extrait du début d’Opening Night hier.. me souviendrai toujours de la première fois que je suis tombée par hasard sur un film de Cassavetes! C’était Faces, j’ai pris une énorme claque dans la gueule, après ça j’ai cherché tous ces films, je les ai tous vus.. et c’est toujours la même claque! pas de « seconde » avec Cassavetes!
des bises
k
Dans une semaine pile-poil, la première face au public.
Je vous souhaite qu’il y ait une première à la reprise, et une première de tournée, qu’ Une Scène vive.
Bon courage à tous!
Semaine prochaine : ma première première de la dernière pièce de Diastème (enfin sa dernière jusque-là, il lui en reste encore beaucoup à faire de premières et de dernières…) Bonne semaine donc, à fond!
Je ne vous imaginais pas si avoir une voix si féminine pour faire l’annonce portables… mais ça a marché, aucune sonnerie.
à la dernière, carine… à la dernière…
c’est pour ça alors… je me disais aussi…
J’avoue que j’ai préféré la pièce à l’annonce portable.
J’ai dit pourquoi ici: http://vaporiserunemouche.over-blog.com/article-une-scene-96910708.html
Foncez!
Je vous souhaite une « seconde » belle ce soir, un peu parce qu’il n’y a pas de raison qu’elle ne le soit pas, un peu parce que j’aime bien les fondamentaux du métier se gourrent.
Alors, normalement, à cette heure-ci, sauf retard, l’annonce portables a déjà été entendue pour cette dernière (avant la reprise et la tournée) mais par qui?
Et combien de personnes sur scène pour saluer?
J’espère que la salle a souri, et vous 3 aussi.