En rêve
Je ne rêve jamais la nuit, je trouve ça vulgaire. Moi je rêve la journée, matin, midi et soir. C’est un peu mon métier, d’ailleurs. Quand j’écris je rêve, je sens les personnages, je vois les scènes, j’écoute les mots, j’imagine ce qui se passe, ce qui se passerait. Quand je mets en scène je rêve, je perçois des ambiances, des images, des couleurs, j’entends des sons, parfois chelous. Ensuite il faut expliquer à l’équipe, ce qui n’est pas toujours très simple.
La journée, souvent, je m’absente. Les gens qui me connaissent bien le savent. À un moment je ne suis plus là, je rêve, je pense à quelque chose. Cela peut durer trente secondes ou une heure. C’est mon côté obsessionnel, ma névrose, je ne lâche jamais l’affaire. Si une pensée m’habite je veux en faire le tour, en voir tous les accès, les causes et les conséquences putatives, pour mieux pouvoir la retranscrire, ressentir ses aspérités, plonger dans ses trous noirs. C’est un exercice épuisant, d’ailleurs cela épuise, donne envie de rouler un pétard, ou quelque chose qui vous assomme.
Du coup la nuit je dors. Très mal et très peu. De plus en plus mal, de plus en plus peu. Je me réveille au bout de quatre heures, pas pleine forme. J’ouvre les yeux, et je rêve. Sauf depuis deux nuits.
Depuis deux nuits, je ne sais pas ce qui se passe, mais je rêve en dormant. Je rêve à des choses proprement folles et ininterprétables, même par cador de chez cador, Sigmund lui-même en serait baba. Ce qui est con c’est que cela me réveille. Pour une fois que je dormais. Pour une fois que je rêvais.
J’avais une amie chère qui, toutes les nuits, rêvait à des choses improbables. Elle les notait en se réveillant. Cela m’impressionnait beaucoup quand elle me racontait. J’ai beaucoup d’imagination mais je savais qu’elle disait vrai, qu’elle n’inventait pas en parlant, qu’elle avait une vie parallèle, la nuit, une vie pleine d’aventures extravagantes, Walter Mitty au féminin. Je lui disais toujours qu’il fallait qu’elle en fasse un livre – si elle lit cette chronique je réïtère.
Petit, déjà, je trouvais ça con, de dormir. Je n’aimais pas ça. Jamais pu faire une sieste de ma vie. Je vois les utilités d’un lit, mais pas celle d’y dormir en tête.
J’envie les gens qui aiment dormir, ceux qui ferment les yeux et s’endorment. J’en connais plein, je suis épaté. “Je dors juste cinq minutes, tu me réveilles ?” Canapé, fauteuil, méridienne, la personne ferme les yeux et s’endort. Je n’en reviens pas. Qu’elle léviterait devant moi ne m’impressionnerait pas plus.
Je ne sais pas si cette nuit je vais rêver encore. Devenir vulgaire m’effraie un peu. Pourtant j’ai hâte d’aller me coucher.
ADDENDUM/ Il fallait bien que cela arrive mais le temps s’accélère. Beaucoup de choses en cours qui m’occupent. Pourtant je ne lâcherai pas ce blog, qu’on se le dise. Ce blog est la plus belle chose qui me soit arrivée depuis la fois où je n’ai pas eu à faire la queue à la Poste. Pour autant, toute aide pour me pousser à écrire est et sera la bienvenue. Sinon, naturellement, je finirai plutôt les travaux entamés, je vaquerai à plus nécessaire, et de longs jours passeront pour vous sans le bonheur de ma plume (je compatis par avance). Donc idées de chroniques, questions perverses, sujets de rédac, tout est bon dans le cochon. Qu’on remplisse cette page Doléances, nom d’un chien ! Pour le reste, les sujets à venir devraient être : “Martine Aubry (pouf pouf)”, “Le festival d’Avignon : il revient et il n’est pas content”, “Ce qui s’est réellement passé en juin 84”, et “Le MMS expliqué aux nuls”.
Rêver et faire rêver, voilà un bien beau métier.
Fais de beaux rêves, endormi ou éveillé, et parle nous de ce qui peuple tes nuits.
T’embrasse.
Je suis comme votre amie qui a une vie parallèle dans ses rêves. Souvent c’est incohérent, mais une fois ou deux ça ne l’était pas et j’ai bien l’intention d’en faire des romans justement.
Je me suis dit que c’était la façon qu’avait ma muse à moi de m’inspirer; c’est un peu frustrant, parce que si j’aime écrire au quotidien, je ne suis pas tellement douée pour la fiction : j’ai des idées mais aucune jusque ici qui m’a transportée au point que je me dise « ça il faut que je l’écrive »… Sauf dans mes rêves.
Je me suis réveillée le matin en me disant « mon Dieu ça ferait un putain de livre ».
Si je dis que c’est frustrant, c’est parce que bien que ces histoires merveilleuses soient nées dans mon cerveau j’ai l’impression de ne pas en être réellement l’auteur.
Je me croyais seule dans ce cas. Imaginez, si ça se trouve des tas d’écrivains de fiction ont une muse qui leur souffle tout à l’oreille la nuit!