Luis Mariano
Je suis trop jeune pour avoir vu Luis Mariano sur scène. Ni Maurice Baquet, d’ailleurs, dont deux des fils sont mes amis, et qui a vu 107 Ans au théâtre, qui m’en a parlé après. C’était peu de temps avant sa mort, un des souvenirs dont je suis le plus fier.
Nous avons écrit une opérette, avec Alex, elle est en train de se monter. C’est lourd, c’est cher, c’est compliqué. Mais nous allons y arriver. Le divertissement, le spectacle, le sourire. J’aime autant le sourire que les pleurs. Au théâtre, jusque là, j’ai plutôt fait les pleurs. Même si l’on pouvait beaucoup rigoler, je pense, à La Nuit, à La Tour ou à L’Amour de l’art. J’aime autant rire qu’être ému, je ne choisis pas. Bien que de très bons conseillers, depuis des années, s’acharnent à me convaincre de n’écrire que des comédies, puisqu’il n’y a que ça qui se vend, et qu’a priori je viens de là. J’aime la comédie autant que le drame. Seulement on ne décide pas toujours, et j’essaie de leur expliquer. On écrit ce qui vient, ce qui vous prend, ce qui vous semble vital au moment où on l’écrit.
La plupart des comédies actuelles ne me font pas rire. Je suis très mauvais spectateur. Plus je vieillis, plus je n’aime rien, peu de choses. Aussi bien au cinéma qu’au théâtre, encore plus en littérature, en musique. Mais Luis Mariano, Bourvil, Annie Cordy, Maurice Baquet; pourquoi je connais ça, encore, alors que j’étais si petit ? Ça et Chantons sous la pluie, West Side story; pourquoi ça m’a marqué autant, comme m’ont marqués les punks, Bob Marley, ou tant d’autres ? J’adorais Offenbach, je l’ai chanté, cela vient peut-être de là. L’opérette. Genre mineur. Mais que tout le monde aimait. Parce que les chansons étaient belles, parce que les histoires étaient simples, parce que ça finissait bien, qu’on en ressortait heureux. Je ne peux pas élever ce principe en modèle, contrairement à mes bons conseillers, puisque je suis capable d’écrire le contraire, mais nous avions envie de ça, avec Alex, ou de quelque chose s’y approchant. Envie d’écrire une opérette.
Est-ce que les gens de moins de quarante ans savent encore qui est Luis Mariano ? Il faudrait que je pose la question. C’était quelque chose, à l’époque, Luis Mariano. Dans ma famille, par exemple, qui a toujours aimé la chanson, c’était quelque chose. Mon père l’adorait, ma tante aussi. Ils me chantaient ses chansons, et moi je grandissais sur ses airs, ceux de Francis Lopez. Mexico, L’amour est un bouquet de violettes, Rossignol de mes amours, La belle de Cadix, Argentine, Andalousie, Maitechu (prononcez Maille-té-tchou. J’enregistrais tout ça à mon corps défendant, ça m’est resté, je me souviens de toutes. La belle de Cadix, I fought the law, Redemption Song, Bed’s too big without you, je ne fais pas la différence, ce sont mes chansons d’enfance, celles qui m’ont bercées. Luis Mariano ou The Clash, on ne choisit pas ses souvenirs.
Je ne sais pas très bien, pour Mariano, s’il était gay ou pas. Je pense que oui mais je ne sais pas, et pour tout dire je m’en fous. Mais j’aime l’idée qu’il l’ait été. Que des millions d’homophobes, dans la France des années soixante, l’aient adulé comme une idole, que les femmes se soient tant pâmées. Notre opérette parle un peu de ça, du mensonge, du fait de cacher qui l’on est. De ça mais pas seulement. C’est une histoire d’amour. Avec plein de belles chansons, enfin moi je les trouve belles. De quoi faire un très beau spectacle, de quoi faire rire et pleurer les gens. Ce n’est pas compliqué, amphigourique, abracadabrantesque. C’est un homme qui aime une femme, c’est une femme qui aime un homme, mais les éléments sont contre eux. Comme souvent dans la vie. Et puis c’est une époque, et puis c’est un milieu. Je ne peux pas vous en dire plus sinon Alex va me maudire. On a dit qu’on n’en parlerait pas, tant que ça ne serait pas signé. Je n’en parlerai pas, donc. Je parle de Luis Mariano.
C’est ridicule, Luis Mariano, je comprends bien. À l’heure de Lady Gaga, du pauvre David Guetta, de Daft Punk, je ne sais pas, La Fouine, Benjamin Biolay, moi je vous parle de Luis Mariano. Truc de vieux con, un peu, non ? Si. Mais je ne vais pas faire semblant d’être jeune, j’ai plus de quarante ans, ça y est, ça va. J’ai vu Freddie Mercury en concert, moi madame, Police, The Clash, Dylan à sa bonne époque, Rickie Lee Jones trois fois, Tom Waits et Springsteen autant, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il commence à m’en falloir un peu pour m’impressionner, je ne suis plus le ravi de la crèche, je commence à connaître la vie, l’amour, les vaches. Mais j’espère être surpris, encore, je me fais surprendre, d’ailleurs, souvent. C’est tellement bon. Rufus Wainwright, Ray LaMontagne, Jérémie Kisling (dont je vous reparlerai, je pense), The Two (même si c’est moins crédible, puisqu’Ara est mon amie), ou Alex Beaupain (ce qui est encore moins crédible, pensez-vous peut-être, mais pas moi).
Je parlais de Luis Mariano. Je parlais de ces chansons d’enfance qui vous hantent toute votre vie. Qui vous accompagnent.
“C’est l’histoire d’un amour, éternel et banal / Qui apporte chaque jour tout le bien, tout le mal / Avec l’heure où l’on s’enlace, celle où l’on se dit adieu / Avec les soirées d’angoisse et les matins merveilleux”.
J’ai un disque, chez moi, de mon père et de son meilleur ami, qui est décédé maintenant, en train de chanter cette chanson. J’ai la version de Luis Mariano aussi. Je ne peux pas dire que je l’écoute souvent. Mais quand je l’écoute, vraiment, je suis ému.
ADDENDUM/ Allez au théâtre La Bruyère, ça dure jusqu’à fin avril, Pour l’amour de Gérard Philippe. Allez voir Emma, que j’aime infiniment, allez voir Raphaël, Sophie Artur, Bernard Alane, Romain Apelbaum. Allez voir ces très bons comédiens.
Bah, j’ai mois de 30 ans, et je connais Luis Mariano aussi : pour moi, c’est les cassettes que mon grand-père passait dans sa BX.
Et mon père, qui écoutait Van Halen à 20 ans, quand il en a eu 40, m’a fait apprendre tout Trenet par coeur. Je crois que je comprends un peu.
Je me souviens qu’une vieille cassette de Luis Mariano traîne toujours dans le vieux buffet de la maison de vacances. C’est François Kersaudy, mon historien de parrain qui me l’avait achetée quand j’étais petite pour me faire connaître cette musique qu’il adorait. Un spécialiste de Churchill et de Luis Mariano… Donc je connais. Et j’ai plus de 30 ans, oui, mais moins de 40 pour un certain temps encore.
Hâte d’être assise dans la salle où se jouera votre opérette. T’embrasse.
Mon diasto,
je dois etre l un des rares garçon à t ecrire, mais que veux tu, moi aussi je t aime… on ne se refait pas !
juste ce petit message, sur le theme de Luis Mariano, (que j ai rencontré étant jeune et m en souviens plus.. pffff),
Merci de cette belle pensée pour mon très cher père…
je devore tes mots, tes phrases… et j adore toujours autant !
bon ! j aurais pleins de choses encore à te dire.. mais l appel de ma gourmandise de te lire est la plus forte.. j y retourne…
A très vite autour d un verre, pour se raconter…
Merci de m avoir fais partager des moments de ta vie et de m avoir fais confiance dans tes projets …(c’est du français ca?…. )
Tendrement d Avignon..
L’enfance à des gouts, des musiques, des couleurs, et des senteurs. Moi, dans la 504 paternel j’écoutais en boucle « petite fleur »de Sydney Bechet et « mon vieux » Daniel Guichard, mélange atypique que m’imposaient mes parents mais maintenant à leur écoute j’ai toujours huit ans, des mi- bas en laine jaune jusqu’aux genoux et une jupe à carreaux…
Mariano ok et je me suis laissée dire aussi Joe Dassin ….
17/05/ 00 heure 01
j’aime beaucoup ce que vous avez écrit.
Par ces temps où l’homophobie occupe l’espace médiatique alors que ce devrait être le contraire, où le maire d’Arcangues refuse avec ses adjoints de marier des couples même sexe, ça fait du bien.
Je ne sais pas si vous avez réussi à faire votre spectacle, je l’espère.
Amicalement
Marie Christine
PS : j’ai aussi plus e 40 ans, j’admire Mariano depuis toujours et je me contrefous de ses préférences sexuelles !
Depuis que je suis enfant j’ai toujours admiré le talent de Luis Mariano à la tessiture exceptionnelle, j’ai soixante dix ans et je ne cesse de l’écouter, c’est un soleil tant il rayonne…. Je ne l’ai jamais vu sur scène, à mon grand regret.
Je trouve que faire allusion après sa mort à de prétendues préférences sexuelles est d’une grande lâcheté, nul ne peut en apporter la preuve ! Jalousie envers cet être exceptionnel de talent, de bonté. Il n’y a que des personnes médiocres pour nuire ainsi à la mémoire d’un homme reconnu pour ses immenses qualités humaines !
Je pense au contraire qu’il aimait les femmes…et qu’il a dû souffrir de n’avoir pu fonder une famille avec celle qu’il a toujours aimée…Certaines admiratrices déchaînées, sans aucun contrôle, devaient aussi lui faire peur et donner des femmes une vilaine image.
Luis Mariano est le chanteur préféré de ma famille, et ma famille est grande. Cependant, j’ai découvert L. Mariano il y a peu, grâce à ma grand-mère qui avait pratiquement gardé tous ses 33 tours. Sa voix m’a tout de suite conquise. J’aime les chanteurs à voix, comme Pavarotti, pour ne citer que lui. On me dit que je suis ringarde pour une femme de 30 ans. Je m’en moque! Quant à l’homosexualité de Mariano, il y a connu 3 femmes : Marie-Pilar qui n’a pas voulu de lui, Martine Carol, amour déçu? et Carmen Sevilla qui l’a repoussé aussi. Alors s’il s’est tourné vers les hommes, c’est bien la faute des femmes!