En Beauté

J’ai rendu toute la tristesse, je suis toujours bien étanche / J’regarde en haut quand l’bas blesse, je collectionne les dimanches / J’évite le soir en souplesse, le p’tit matin m’déclenche / L’envie d’voir si des fois tu m’laisses faire mon nid sur tes hanches… C’est Ara qui m’a fait penser à Personne, Paul Personne, elle a joué avec lui hier dans le même festival en Champagne. Le texte est joli, non ? Saoulé ça s’appelle, dans l’album “Demain i’ fera beau”. Pas de la grande littérature, des très bonnes paroles de chanson. Comme celles de Nuits blanches étoilées, dans l’album “Comme à la maison”.

J’me fais des rêves de nuits blanches étoilées / Des rires d’môme heureux qui croit pour de vrai / Qu’ça existe un jour / Plein d’amour… Des chansons à écouter en voiture, la nuit, en roulant sur l’autoroute, avec un ami qui sait se taire, une belle fille endormie à l’arrière, avec la jupe qui remonte un peu… Ou bien J’me taille, très bon morceau, vraiment, du matin ou du soir…  J’me taille une histoire à ma taille / J’arrondis les angles et j’oublie les détails / J’me taille une histoire à ma taille / Et j’remets pour de bon mes wagons sur les rails… La tête qui remue dans le pénombre, les pieds battant le premier et le troisième temps de la mesure, les kilomètres qui passent, et toutes ces choses qu’on laisse derrière.

J’adore Personne, je respecte infiniment cet homme, qui taille sa route depuis des lustres, seul vrai bluesman français, voix magnifique, guitariste hors-pair, grand compositeur de chansons, qui vient de sortir un album, “À l’ouest”. J’ai commencé à l’écouter sur internet, et puis j’ai arrêté, j’irai acheter l’album demain, j’espère le trouver bon. J’adore ces types qui taillent leur route, sans se soucier des modes, du succès, des échecs, j’adorerais être un type comme ça, je fais de mon mieux pour le devenir, même si c’est difficile parfois. Et j’adore écouter des chansons en voiture, la nuit, sur l’autoroute.

Comme je ne conduis pas c’est moi qui mets les disques. Je suis le meilleur DJ de voiture nocturne que je connaisse. Sérieusement. La nuit, sur l’autoroute, en voiture, on ne peut pas écouter de hip-hop par exemple, de r’n b, de reggae, de funk, il y a des règles très strictes. On écoute Thunder Road, Bob Dylan, Paul Personne. Ou de la varièt’ américaine, que très peu de gens connaissent, dénigrent : Debby Boone, Chrystal Gayle. Et ces chefs-d’œuvre absolus de “musique d’autoroute la nuit” que sont Come a long way de Michelle Shocked, et Mr Jones des Counting Crows.

J’ai essayé de placer ces chansons dans toutes mes pièces, dans tous mes films, le long, le court, le prochain, toujours pas réussi. J’y arriverai un jour. Mon ami Laurent Chalumeau a écrit un très très bon livre sur une chanson, Moi et Bobby McGee (Grasset), d’après le titre de Janis Joplin, écrit par Kris Kristofferson. Un livre entier sur une chanson, un livre formidable. Je peux le faire sur Come a long way, qu’un éditeur me le propose, mais qui cela intéressera-t-il ? Come a long way et quelques autres. Quelle bonne idée il a eu là.

Je n’écoute plus beaucoup de musique, plus assez. Ce que j’entends me tombe des oreilles, pas tout, évidemment, mais je n’écoute plus de musique comme avant. Quand je travaille sur un film, sur une pièce, c’est un des moments que je préfère : chercher de la musique, écouter des chansons, voir ce qui pourrait aller, ce qui vous inspire, je ne laisserais ce travail à nul autre – même si je sais que la plupart des réalisateurs ont des personnes pour s’en charger. Dans tout ce que j’ai pu faire, ce que j’ai pu montrer, j’ai choisi chaque seconde de musique : Rickie Lee Jones, Tom Waits, Jovanotti, Nat King Cole, Kodály, mon grand Szymon Brzóska, toutes les vieilles chansons de Jeanne dans “Le Bruit”, celles de Marylin dans “L’Amour de l’art”, les toccatas de Bach par Glenn Gould dans “107 ans”, les horribles standards italiens, en version ascenseur, de “La Tour de Pise”… Je suis l’homme le plus chiant du monde en matière de musique. Et je ne vous parle pas de la suite, je vous laisse des surprises. Une commence à être dévoilée : j’ai vu ça ce matin en lisant le papier du Monde sur Alex. Ils y parlaient de notre opérette, Joli Joli. J’adore essayer de garder un secret qui est divulgué dans Le Monde. Trop l’impression d’être Sarkozy, ou Villepin, ou n’importe quel filou qui chercherait à cacher quelque chose, qui se ferait attraper.

En ce moment, par exemple, je cherche des musiques. Pas pour Joli Joli – celles-ci sont déjà faites, et bien faites je l’espère, vous nous direz ; pour d’autres choses en cours. Et j’écoute donc de la musique. Beaucoup. Vraiment.

Demain j’écouterai Paul Personne.

ADDENDUM/ Rien à voir, mais j’ai eu tout à l’heure une assez belle, et longue, et agréable conversation avec ma mère, déçue du sarkozysme, pour essayer de la convaincre de voter Hollande – elle qui a toujours voté à droite, mais que j’aime néanmoins. Je l’ai presque convaincue, j’y retournerai. Me suis dit que si même ma mère était enfin prête à voter à gauche, avec un peu de prosélytisme, d’intelligence et de douceur, il pouvait se passer quelque chose.

 PS/ Compil pour autoroute la nuit, d’autres encore (les dix premiers qui me viennent) :

Have a little faith in me par John Hiatt
Night ride home par Joni Mitchell
O_nterest par Jason Mraz
Sweetest decline par Beth Orton
Runaway Train par Soul Asylum
Tempted par Squeeze
The fire inside par Bob Seeger
The boys of summer par Don Henley
Too young par Phoenix
Sky blue sky par Wilco