Merdeux
Dieu nous a fait délicats. Et qu’il n’existe pas ne change rien. Nous sommes des êtres merveilleux, nous prenons soin les uns des autres, nous ne mentons pas, nous sommes sincères, nous faisons toujours ce que nous disons. La vie est simple, jamais nous ne nous la compliquons, jamais nous ne nous cachons des choses. Nous ne trompons pas ceux que l’on aime, nous sommes loyaux, probes, et fidèles. Nos réflexions sont toujours justes, nos analyses les plus sensées, jamais nous ne nous emballons, nous sommes posés comme des vieux sages, un rictus paisible au visage, nous ne déconnons jamais plus, nous ne faisons pas n’importe quoi, nous sommes adultes et beaux à voir.
Préambule amphigourique, oui, mais préambule quand même. Parce que parfois nous sommes merdeux. Somme d’histoires, ces derniers mois, somme de conneries de toutes sortes, entendues çà et là. Quand les gens sont stupides, font du mal, et souvent quand ils boivent. Un ami producteur, au déjeuner, me disait que l’on ne pouvait pas parler correctement de l’humanité si l’on ne parlait pas de l’alcool. Comme cette citation d’Hemingway, que j’ai rabâchée pendant des mois au fil des interviews, que je tairai désormais : “Si vous voulez raconter une histoire, il n’y a que trois sujets possibles : l’amour, la mort et l’alcool”. Que d’histoires, que d’histoires. Je ne peux pas les raconter toutes, donc je n’en raconterai aucune, pourtant elles sont très bonnes, seulement des gens nous lisent, ils se reconnaîtront, et je ne veux pas gêner les gens. Surtout quand ils se sentent merdeux.
Je me suis senti merdeux souvent. Coupable, honteux. Encore hier soir par exemple, et je ne raconterai pas non plus. C’est un sentiment violent. Pour ne pas le ressentir, il nous faudrait faire montre d’une distance impériale, ou d’une bêtise immense. Être cynique ou demeuré, a-t-on vraiment envie de choisir ? La plupart d’entre nous sommes au centre, nous tendons vers le beau, vers le sage, vers le rictus paisible, et puis soudain un verre de trop, une vanne de trop, un nerf qui lâche. La saleté sort, la connerie se dit, on blesse les gens, on se sent merdeux. On essaie de se rattraper comme on peut, mais le sable est mouvant, il ne faut pas bouger, il faudrait juste se taire, mais voilà qu’on s’enfonce. On s’accroche à une branche, mais l’oiseau porte l’arbre seulement dans les poèmes.
Dieu nous a fait à son image. Vil, minable, orgueilleux. Nous tendons vers le pur mais nos pas sont boueux. Nous baignons dans la fange, la fange déteint sur nous. Elle imprime nos habits et dessine sur nos peaux des tâches peu ragoûtantes. Il faut alors se nettoyer, à coups de bouquets de fleurs, de textos imbéciles, de missives repentantes, de petits cadeaux pourris. On ne blesse bien que les gens qu’on aime. Plus l’on aime bien, plus l’on blesse fort.
Je ne veux plus blesser personne, et je ne veux plus que l’on me blesse.
— Vous me ferez cent lignes! dit ce con de Dieu.
Mais ça ne marche pas comme ça, désolé mon vieux God, il fallait réfléchir avant. Regarde ce que l’on nous montre, regarde ce que l’on nous vend, regarde la merditude ambiante, l’exemplarité alentour, comment voudrais-tu qu’on s’élève ?
— Ça je ne sais pas, dit ce con de Dieu. Ça c’est vous qui voyez.
ADDENDUM / Ostentation : nom féminin, mise en valeur excessive et indiscrète d’un avantage. Adjectif lié : Ostentatoire. “Une charité ostentatoire”, “Un témoignage ostentatoire”. Une spéciale dédicace en guise de bouquet de fleurs.
Dieu que l’alcool est bon!
Se dire… ce soir je sors… ce soir mes yeux brillent… ce soir un petit bourgogne blanc….
et puis la nuit prenant le pas… je passe au ginto….et là, c’est palace!
Les capacités combinatoires fusent…les langues au propre comme au figuré se délient…
Puis, il serait temps de rentrer. Mais je ne rentre pas.
Alors certains soirs, je remplace. Je suce mon pouce.
ENFIN …
sublime et vrai… c’est l’histoire de ma vie… c’est parfait comme d’hab !